CHAPITRE PREMIER
Système de Pyria : occupation de Borleias, premier jour
— Un dieu ne peut pas mourir, dit Charat Kraal. Il ne redoute donc pas la fin. Entre le dieu et le mortel, qui est le plus courageux ?
Charat Kraal, un pilote yuuzhan vong de plus de deux mètres avait une peau pâle aux endroits où des tatouages géométriques ne la recouvraient pas. Son faciès n’était plus qu’une immense cicatrice : des années auparavant, le milieu de son visage avait été dévoré. Plus de nez, plus de traits, seulement des cartilages et des orifices horizontaux en guise de narines. Son front, moins fuyant que ceux des autres Yuuzhan Vong, paraissait presque humain… Charat Kraal avait tué tous ceux qui s’en étaient moqués. Il dissimulait sa tare comme il pouvait, se rasant les cheveux et tatouant son crâne pour détourner les regards. Un jour, il gagnerait le droit à un implant qui masquerait sa difformité, et ses problèmes seraient résolus.
Aujourd’hui, par-dessus son pagne de guerrier, Charat Kraal portait la combinaison environnementale transparente des pilotes yuuzhan vong. Les deux vêtements étaient des créatures vivantes, conçues et élevées pour accomplir les tâches nécessaires à la gloire des Yuuzhan Vong.
Assis dans le poste de pilotage de son corail-skipper, Charat Kraal ne portait pas son capuchon cognitif… Une créature vivante elle aussi. Ressemblant à un masque, la capuche le maintenait en contact mental avec son vaisseau et lui permettait de sentir et de piloter avec l’agilité de la pensée plutôt qu’avec ses muscles.
Le corail-skipper volait en vitesse de croisière.
Charat Kraal et son partenaire, Penzak Kraal, étaient en orbite haute au-dessus de Borleias. La planète, récemment prise aux infidèles, avait servi de base à l’attaque des Yuuzhan Vong sur Coruscant. Borleias, un monde vert, était peu souillé par les habitations mortes des infidèles, ni pollué par leurs outils technologiques. Une seule base militaire, à présent détruite, avait résisté.
La voix de Penzak Kraal sortit du villip intégré au poste de pilotage, juste sous la verrière. La plupart des coraux-skippers n’en étaient pas équipés : ils communiquaient grâce aux signaux télépathiques des coordinateurs yammosks.
Mais les patrouilleurs à long rayon d’action avaient besoin d’un moyen de communication plus direct.
— Ne sois pas stupide, dit Penzak. Le dieu du courage est par définition plus courageux que n’importe quel Yuuzhan Vong, que n’importe quel être vivant…
— En es-tu certain ? protesta Charat Kraal. Imagine que tu deviennes immortel… en restant un Yuuzhan Vong. Tu pourrais tuer sans jamais risquer la mort, sans la défier, ni choisir le lieu et la date. Qu’est-ce qui est le mieux, être courageux le temps d’une courte vie ou ne jamais rien risquer ?
— Qu’importe ! Ce choix ne nous appartient pas. Mais si j’y étais confronté, j’opterais pour l’immortalité. Avec le temps, je retrouverais le courage des Yuuzhan Vong. Peut-être pourrais-je un jour tuer une étoile…
— J’ai entendu dire que… commença Charat Kraal.
Il s’interrompit.
— Quoi ?
— Que les infidèles l’avaient fait. Qu’ils avaient appris à tuer une étoile.
Penzak Kraal siffla de colère. Sur le villip, ses traits exprimèrent du mépris.
— Et puis ? Ils l’ont tuée de la mauvaise façon, avec leur mauvais esprit et leurs mauvais instruments. Et comme des idiots, ils ont dû perdre le secret. Sinon, aujourd’hui, ils détruiraient nos vaisseaux-mondes un par un…
— Il semble aussi que les dieux leur souriaient, dit Charat Kraal en baissant la voix. (Mais seul Penzak Kraal pouvait l’entendre…) Les dieux seraient favorables aux infidèles.
— Ridicule.
— Comment savoir ce que pensent les dieux ?
— Je l’ignore, de même que j’ignore comment faire apparaître un des vaisseaux ennemis afin de le détruire pour ma gloire personnelle…
Et pourtant, un vaisseau ennemi se matérialisa au loin. Il avançait dans leur direction, vers Borleias.
— Penzak, es-tu fou ?
— Mes paroles ne l’ont pas fait apparaître, crétin !
Le villip se modifia, signalant un changement chez Penzak. Il venait d’enfiler son capuchon cognitif et Charat l’imita. Son environnement devint transparent. Il voyait maintenant par les sens du corail-skipper, dans toutes les directions, avec une précision à couper le souffle.
Un vaisseau infidèle. Non, plusieurs. Les méprisables engins métalliques sortaient de l’hyperespace, fonçant vers Borleias.
Vers Charat et Penzak.
Par le capuchon cognitif, Penzak alerta le commandant du Domaine Kraal, sur Borleias.
Le premier vaisseau de la Nouvelle République, un triangle blanc aux angles acérés, passa au-dessus des deux coraux-skippers, les plongeant dans l’ombre. Sans être aussi imposant qu’un vaisseau-monde yuuzhan vong, il était tout de même énorme, et si proche que Charat avait l’impression de pouvoir le toucher.
Penzak Kraal fit plonger son corail-skipper et vira, suivant la trajectoire du grand navire. Charat fit de même. Au-dessus de lui, les éclairs des réacteurs annoncèrent le lancement des chasseurs.
— Comment pouvons-nous leur faire le plus de mal ? demanda Charat.
— Suis-moi à l’intérieur. Nous entrerons pendant les opérations de décollage. Avec ses chasseurs à proximité, le vaisseau n’osera pas tirer. Nous pénétrerons dans les baies de lancement, détruirons leurs installations puis éventrerons le vaisseau de l’intérieur.
Prenant un virage, le corail-skipper s’éleva et se dirigea vers le ventre du vaisseau. Charat le suivit.
Le Mon Mothma était un des croiseurs les plus récents de la flotte de la Nouvelle République, un destroyer stellaire équipé de générateurs de puits gravifiques capables de contrarier les petits sauts des vaisseaux yuuzhan vong. Là, il fonçait tout droit sur Borleias. La sortie n’avait pas été planifiée. Ils avaient calculé une trajectoire directe, mais la gravité de la planète les avait attirés dans l’espace réel.
Devant eux s’étendait le globe bleu-vert qu’ils étaient venus reconquérir.
— Aucun signe de vaisseau-monde yuuzhan vong en orbite, annonça l’officier chargé des détections, un mâle Calamarien à la peau bleue. Les deux coraux-skippers se préparent à l’attaque.
Le général Wedge Antilles acquiesça. C’était un homme mince au visage marqué, le chef du groupe de la flotte dont le Mon Mothma était le vaisseau amiral.
— Artilleurs, restez verrouillés sur eux. S’ils viennent au contact, désintégrez-les ! Contrôle de vol, continuez le lancement des escadrons.
— Oui, monsieur.
— Oui, monsieur.
Les écrans tactiques s’illuminèrent. Les chasseurs de la Nouvelle République, les ailes X, les A-9, les ailes B, les ailes E et bien d’autres et plongeaient vers la planète.
Debout à l’arrière de la passerelle, ignorant les écrans, Wedge fixait Borleias.
J’espère que les Vong aiment ce monde, se dit-il. Parce que je vais leur arracher. Ils vont apprendre ce que c’est que de perdre ce qu’ils aiment.
Luke Skywalker accéléra. Son aile X rugit en quittant la baie de lancement pour descendre sous le ventre du Mon Mothma. Derrière lui, les onze pilotes de l’Escadron Soleils Jumeaux, temporairement sous son commandement, se déployèrent en formation autour de lui.
— Soleils Jumeaux en mouvement, dit-il.
— Soleils Jumeaux, recevez. (C’était la voix du contrôleur du pont du Mon Mothma.) Deux coraux-skippers en trajectoire d’interception.
Luke regarda sa console : deux points rouges se dirigeaient vers eux.
— Escadron, suivez-moi. Rendons-leur la monnaie de leur pièce.
Un chœur de réponses retentit dans le cockpit. On sentait la tension dans certaines voix, mais pas de peur. Les pilotes étaient des vétérans, des survivants des Sabres, des Shockers et des escadrons détruits pendant l’attaque des Yuuzhan Vong contre Coruscant, quelques jours auparavant. Deux de ces rescapés encadraient l’appareil de Luke : sa femme, Mara Jade Skywalker, et Corran Horn, l’officier de la CorSec devenu pilote de chasse, puis Jedi.
Des pilotes disciplinés et compétents, dont certains rêvaient de vengeance.
Luke comprenait. Les Vong, aidés par leur agent humain Viqi Shesh, avaient presque réussi à kidnapper Ben, le fils de Luke et de Mara. Ils avaient tué son neveu Anakin. Jacen, son autre neveu, était porté disparu. Ces pertes, et surtout celle d’Anakin, son apprenti, avaient déchiré le cœur de Luke.
Jeune, Luke aurait voulu prendre sa revanche… mais il avait changé. La vengeance était un concept immature et il avait perdu depuis longtemps ses traits juvéniles et innocents. Les cicatrices et les rides marquant son visage reflétaient son expérience – et sa sérénité si chèrement gagnée.
Il chercha Mara. A son contact, il tressaillit : une présence glaciale, concentrée sur leur mission.
Luke haussa les épaules. La froideur valait mieux que la haine. Malgré son calme apparent, Mara avait réagi comme lui en croyant perdre Ben et en apprenant le destin de ses neveux. Elle aurait pu brûler de rage. Le Maître Jedi était heureux de se tromper.
— Volets S en position d’attaque, dit Luke. Premier et troisième vols, occupez-vous du leader. Les autres, foncez sur son équipier. Feu à volonté.
Il jumela ses lasers et fondit sur le premier corail-skipper. Quatre rayons écarlates jaillirent… Non, huit. La décharge de Luke, visant le côté tribord du vaisseau, n’atteignit jamais sa cible. Une tache d’obscurité était apparue, distordant l’espace comme une gigantesque loupe attirant les tirs. Les quatre faisceaux se tordirent et disparurent. Mais la décharge de Mara, visant le flanc opposé, frappa le chasseur un instant après l’attaque de Luke. Le Jedi sourit. Son épouse devait l’avoir surveillé mentalement, pour être aussi précise.
Les lasers frappèrent la coque du vaisseau ennemi jusqu’à ce que la distorsion se déporte. Puis Luke tira de nouveau, endommageant l’arrière du corail-skipper.
Corran entra en action et tira. La matière organique de la coque se désintégra tandis que les lasers creusaient des marques pourpres à la surface.
Luke lança son aile X dans une manœuvre d’évasion, accélérant, freinant, montant et descendant avec l’imprévisibilité d’un insecte en vol. Un missile jaillit du canon à plasma du corail-skipper de gauche, trop éloigné pour constituer un danger. D’ailleurs, ses coéquipiers ne donnaient aucun signe d’inquiétude…
— Ils ne se battent pas, dit Soleils Jumeaux onze, une Comménorienne appelée Tilath Keer. Je me lance à la poursuite.
Sur l’écran, Luke vit les signaux des Soleils Jumeaux quatre à six et dix à douze virer pour suivre les coraux-skippers vers le Mon Mothma.
Luke sentit un faible picotement. Un avertissement de la Force ? Le fruit de ses années d’expérience ?
— Négatif, arrêtez la poursuite, dit-il. Ne les attaquez pas. Soleils Jumeaux, retour à la trajectoire initiale. Formation autour du Temps Record. Mon Mothma, ces vaisseaux sont à vous.
— Bien reçu, Soleils Un.
Luke retourna vers Borleias alors que ses pilotes abandonnaient la poursuite et réintégraient la formation. Dès que les chasseurs se furent éloignés des coraux-skippers, les batteries du Mon Mothma ouvrirent le feu. Le premier vaisseau ennemi fut anéanti aussitôt, son basal dovin étant incapable d’absorber les tirs. En un éclair, il ne resta plus qu’un nuage de particules. L’autre skip, plus habile, subit quand même un impact qui l’envoya tourbillonner loin du Mon Mothma.
Luke secoua la tête. Les Yuuzhan Vong s’étaient sacrifiés inutilement – deux vies avaient été perdues.
Il ordonna à ses chasseurs de se mettre en formation d’assaut.
Le Temps Record était un transporteur de troupes armé. Long de près de cent soixante-dix mètres, avec deux bulbes principaux, le plus grand contenant la passerelle et les quartiers du personnel, l’autre les machines, le vaisseau semblait si vulnérable… si fragile. Mais son propriétaire et capitaine, un « commerçant indépendant » (un contrebandier, traduisait Luke) avait accepté de le confier au général Antilles lors de la chute de Coruscant, affirmant que le Temps Record était le navire le plus rapide et le plus solide de sa classe.
A présent, ses coursives n’étaient plus remplies de marchandises, mais de soldats.
L’unité com de Luke crachota et une voix féminine en sortit.
— Temps Record au chef de Soleils Jumeaux, tout est prêt.
— Soleils Jumeaux à Temps Record, à vous de fixer la vitesse. Nous vous suivrons.
Le transporteur bondit en avant… lentement pour un chasseur, mais très vite pour un cargo. Luke calcula l’accélération et amena son aile X devant la proue du vaisseau. Un autre vol fit de même à bâbord, un troisième à tribord et le dernier verrouilla la poupe.
Autour de l’Escadron Soleils Jumeaux, les chasseurs, les frégates, les destroyers et les navettes accéléraient en vitesse de combat.
La voix du colonel Gavin Darklighter retentit sur la fréquence tactique.
— Escadron Rogue à Borleias. Nous voilà. Nous vous avons botté le cul il y a vingt ans, et maintenant nous revenons pour un deuxième tour…
Luke sourit.
Des coraux-skippers montaient à leur rencontre pendant que l’Escadron Soleils Jumeaux commençait sa descente dans l’atmosphère. Un peu plus longs que les ailes X et de classe comparable, les coraux-skippers avaient un corps plus massif. Les constructions en corail yorik, effilées à la proue, s’élargissaient à la poupe, leurs coques rugueuses signalant leurs origines organiques.
Ils étaient parfois d’une grande beauté. Ceux qui venaient à leur rencontre se présentaient comme un tourbillon de rouge pastel et d’argent nacré. A la proue, incrusté dans une sorte de niche à la surface du corail-skipper, on devinait la forme ronde et rouge du basal dovin, la créature dont la puissance gravifique déplaçait le corail-skipper dans l’espace. Elle pouvait également créer des trous noirs défensifs avalant les projectiles comme un bantha de Tatooine absorbait l’eau. Le poste de pilotage teinté de bleu était installé à l’endroit où le corps du vaisseau s’élargissait.
Oui, ils étaient beaux, mais cela n’avait guère d’importance. Arrivant à portée, les coraux-skippers activèrent leurs canons à plasma, des formes de vie qui crachaient de la matière incandescente capable d’attaquer la coque d’un chasseur.
— Attaquez et protégez le transporteur, ordonna Luke.
Il se lança dans une vrille et ouvrit le feu, sachant que ses équipiers le suivraient, tirant de façon « en saccade » pour tromper et surcharger le basal dovin. Cette fois, la créature intercepta le tir de Mara, mais ne put absorber les salves de Corran et de Luke.
L’équipier du vaisseau attaqué ouvrit le feu sur Luke, qui ignora le couinement d’alerte de R2-D2 et continua sa descente, variant la vitesse et l’angle de son vol.
Un éclair de plasma fusa entre son chasseur et celui de Mara…
Passant sous leurs cibles, les trois pilotes remontèrent derrière la poupe des deux coraux-skippers. Les zones de trou noir tournoyèrent, prêtes à absorber des quantités infinies d’énergie.
Les premiers combats contre les coraux-skippers avaient été terribles pour les chasseurs de la Nouvelle République. Même les pilotes les plus accomplis avaient été pris de court par l’inefficacité de leurs armes et l’incroyable résistance des vaisseaux vong. L’énergie des torpilles à photons et des rayons laser était absorbée alors que le plasma vivant des Yuuzhan Vong continuait à ronger la surface des appareils bien après l’impact…
A présent, le jeu était différent. Les survivants avaient modifié leur tactique et échangé des informations. La meilleure stratégie consistait à surcharger les basals dovin en les frappant simultanément selon plusieurs angles. Les pilotes des chasseurs devaient éviter d’être touchés : un seul tir, qui rongeait les boucliers, pouvait être fatal.
De nouvelles méthodes étaient élaborées à chaque bataille. Mara fonça devant Luke et Corran selon une trajectoire prévisible, histoire d’attirer les tirs des skips. Puis, son vol devenant soudain erratique et aléatoire grâce à la Force, elle bondit et les dépassa. Elle vira sur bâbord, alors que les deux tirs de canons à plasma la suivaient. Le projectile yuuzhan vong frappa son équipier, deux boules de feu brûlant le ventre du vaisseau avant que le pilote ne puisse compenser.
Le corail-skipper tenta de protéger son ventre. Aussitôt, Mara appuya sur la détente et les quatre canons crachèrent leurs lasers.
Le vaisseau explosa, dissimulant quelques instants l’aile X de Mara, et Luke tira une rafale sur le survivant. Le trouble du pilote, qui avait touché son équipier, et les efforts importants du basal dovin, devraient laisser le corail-skipper momentanément vulnérable…
Luke avait raison. Les lasers s’enfoncèrent dans la coque. Le vaisseau s’éloigna, perdant des fluides qui gelaient aussitôt dans le vide.
Le Jedi vérifia ses détecteurs : deux vaisseaux hors circuit. Mara et Corran venaient de le rejoindre. R2 annonça que l’aile X était intacte.
Deux chasseurs de l’Escadron Soleils Jumeaux avaient disparu. Un des pilotes s’était éjecté. Luke espéra que sa combinaison le garderait en vie jusqu’à ce que la navette de secours le récupère.
— Bonne tactique, Mara, fit-il.
— J’aime quand les hommes me disent des mots doux.
Souriant, Luke repartit au combat.
Les escadrons de chasseurs retenaient les Yuuzhan Vong sur trois secteurs orbitaux. Saisissant l’occasion, l’Escadron Soleils Jumeaux descendit dans un secteur non défendu avant de virer vers la zone de lancement des coraux-skippers, qui avait été repérée par les détecteurs gravifiques. Les coordonnées se révélaient identiques à celles de la base militaire de la Nouvelle République, sur Borleias.
Forcément.
Quels changements étaient survenus pendant l’occupation yuuzhan vong ?
Volant au ras des arbres, Luke aperçut la zone. Elle différait de l’image qu’il avait étudiée sur holocube. Le bâtiment principal semblait plus bas, plus large.
De petits chasseurs s’élevaient au-dessus. Six, d’après ses détecteurs.
— Soleils Jumeaux, devant nous, dit Luke. Occupez-vous des chasseurs. Temps Record, à vous de choisir. Vous pouvez rester avec nous ou vous diriger vers l’objectif, seul.
— Soleils Jumeaux, ici Temps Record. Nous sommes ici pour nous battre. Nous nous reverrons sur la piste.
— Bien reçu.
Dans la soute du Temps Record, près de la rampe d’accès, Lando Calrissian tentait de dissimuler son inquiétude.
Lando était en sueur. Il n’aimait pas ça. La transpiration évoquait le travail, qu’il n’aimait pas non plus. Cela gâchait l’impression qu’il voulait donner : quelqu’un de calme, très maître de lui.
Il regarda les soldats. Des hommes et des femmes, assis sur les banquettes, harnachés pour se protéger des turbulences qui n’allaient pas tarder. Leurs commandants allaient et venaient entre les rangs, transmettant les derniers ordres. Des paroles fusaient : des conseils, des encouragements, des blagues, des insultes…
Lando étudia ses troupes. Ceux qui allaient combattre pour lui se tenaient en cercle, autour du poteau métallique, les yeux rivés sur lui. Impassibles, ils n’avaient pas peur.
— Prêts ? demanda-t-il.
— Prêts, monsieur ! répondirent-ils à l’unisson.
Il voyait certains de ces soldats pour la dernière fois. Normal. Ils accompliraient leur tâche. Contrairement aux autres officiers présents, Lando ne redoutait pas les pertes futures.
La baie trembla quand les tirs ennemis commencèrent à frapper le Temps Record. Lando lut de la peur sur les visages de quelques futurs combattants.
Pas sur ceux de ses gars. Ils continuaient à le fixer, attendant.
Le chasseur de Luke rugit dans le sillage du Temps Record, Mara et Corran à ses côtés.
Le Maître Jedi grimaça. Un tir ennemi avait arraché le canon supérieur tribord du transporteur et son moteur. Cela réduisait considérablement la puissance et la maniabilité du grand navire et sa puissance de feu.
Devant lui, le Temps Record s’enfonçait dans la jungle… ou peut-être se poserait-il devant la base, sur la zone dégagée. De petits éclairs touchaient sa coque et la noircissaient. Les bords du Temps Record se tordaient, rongés par le plasma. Le transporteur vira sur la gauche et Luke secoua la tête. La poupe avait été gravement touchée.
Ce vaisseau ne reverrait pas l’espace.
Une dernière vibration : le transporteur s’était posé, comprit Lando. Il n’entendait plus rien dans le vacarme des alarmes. Une profonde inspiration, un signe à ses troupes, et il écrasa le bouton situé à côté de lui, sur la coque.
La partie supérieure de l’écoutille glissa et disparut. La partie inférieure s’abaissa, se transformant en rampe.
De l’air chaud et humide envahit la soute. Un champ de hautes herbes grasses s’étendait devant eux. Plus loin s’élevait une construction yuuzhan vong, un gros cylindre rougeâtre avec des bras rayonnants à intervalles réguliers.
— Allez, allez ! cria Lando.
Hurlant un cri de guerre, ses combattants se jetèrent sur la rampe, fusils laser prêts.
Dehors, les tirs ennemis commencèrent à pleuvoir. Lando entendit la paroi arrière de la soute résonner sous les impacts répétés des munitions. Non, pas des munitions… des créatures lancées par les Yuuzhan Vong : leurs insectes-tonnerre, des projectiles insectoïdes à l’impact dévastateur, et des scarabées tranchants, qui coupaient tout ce qu’ils touchaient puis faisaient demi-tour pour attaquer ce qu’ils avaient raté.
Un des combattants de Lando reçut plusieurs insectes-tonnerre dans la gorge et la force de l’impact le décapita sur le coup. Il s’écroula, sa tête roulant sur le sol de la baie, dans la direction de Lando.
Il l’arrêta du pied et observa sans émotion les traits figés de la première victime de la journée. Le droïd de combat le regarda, tout aussi impassible. Les dégâts avaient l’air mineurs. Il serait facile à réparer.
Les dix-neuf autres droïds chargèrent, la tête tournée vers le gros bâtiment rouge. Leur cri de guerre se transforma en mots. Des mots que Lando ne comprenait pas.
Mais il savait ce qu’ils signifiaient. Il avait demandé leur programmation.
— Nous sommes des machines ! criaient les droïds dans la langue de leurs ennemis. Nous sommes plus forts que les Yuuzhan Vong !
— Capitaine, ça marche, dit l’officier des communications du Temps Record, un Rodien aux écailles immaculées. Ils se découvrent !
Le capitaine, une grande femme aux cheveux cuivrés, se leva de son fauteuil. La fumée s’accumulait sous le plafond de la passerelle. Toussant, elle alla regarder par-dessus l’épaule du Rodien.
Un panorama des vues des holocaméras installées dans la coque du transporteur s’affichait sur l’écran, montrant la zone de combat, autour du Temps Record.
Les troupes de Lando Calrissian descendaient la rampe et chargeaient, balayant le terrain d’un tir défensif. Et les guerriers yuuzhan vong apparaissaient dans l’herbe… quittant la jungle sans réfléchir, se précipitant, furieux, sur les droïds dont les paroles et l’existence même les insultaient. Le transporteur ne les intéressait pas le moins du monde.
— Transmettez ce visuel à tous les vaisseaux de notre zone de combat, ordonna le capitaine. Dites au Mon Mothma que notre tactique fonctionne. Proposez que… oh, mince !
Une créature énorme était apparue sur l’écran, sortant du bâtiment vong. Un reptile de la taille d’un immeuble… Sur sa peau bleu-vert, des taches de cristal yorik rouge et argent se distinguaient au niveau de la tête et le long de l’arête dorsale. Des plaques en forme de voiles sortaient de ses vertèbres… et des douzaines de canons à plasma émergeaient de son corps en corail.
— Evacuez les troupes de ce vaisseau… tout de suite, cria la capitaine. Que tous les membres d’équipage disponibles les suivent ! Visez la nouvelle cible… Feu à volonté. Et ventilez cette salle. Nous avons besoin de respirer pour être efficace…
C’est sans doute une des créatures de la bataille de Dantooine, pensa la capitaine.
Comme Luke, elle eut l’affreux pressentiment que le Temps Record ne reverrait pas l’espace…